Depuis le laboratoire Chimie et interdisciplinarité : synthèse, analyse, modélisation, Morgane Vacher pose les fondements théoriques d’une nouvelle chimie. Ses réactifs sont amenés dans des états quantiques excités grâce à des lasers attosecondes, aux impulsions aussi rapides que le mouvement des électrons formant les liaisons chimiques. Pour ces travaux, qui pourraient déboucher sur des réactions jusqu’alors impossibles, Morgane Vacher a reçu la médaille de bronze du CNRS.
Placés dans des états excités qui relèvent de la physique quantique, atomes et électrons peuvent mener à des réactions chimiques. Morgane Vacher, du laboratoire Chimie et interdisciplinarité : synthèse, analyse, modélisation (CEISAM, CNRS/Nantes Université), explore les fondements théoriques de cette chimie encore peu explorée. Cette chargée de recherche a pour cela développé le concept d’attophotochimie, c’est-à-dire une chimie contrôlée par des lasers attosecondes. Ces appareils, au cœur du prix Nobel de physique 2023, envoient des impulsions de seulement un milliardième de milliardième de seconde.
« Les lasers attosecondes brillent d’abord par leur incroyable résolution temporelle, qui correspond à la dynamique des électrons, décrit Morgane Vacher. Nous pouvons ainsi voir en temps réel les électrons se déplacer et former des liaisons chimiques. Ensuite, ces lasers couvrent une largeur spectrale qui permet d’exciter la matière dans plusieurs états électroniques distincts à la fois. Ce phénomène, dit d’interférence quantique, pourrait aboutir à de nouvelles réactions impossibles autrement. »
Apparus au tout début des années 2000, les lasers attosecondes restent extrêmement rares. Seuls trois laboratoires français en sont équipés et ils ne sont pas plus courants dans les centres de recherche étrangers. Les opportunités de mener des expériences de photochimie avec sont donc réduites. Morgane Vacher se base sur des simulations qui lui permettent d’expliquer les expériences déjà réalisées, ainsi que de préparer celles à venir. Morgane Vacher a ainsi été la première à prédire l’effet de décohérence électronique, c’est-à-dire la perte d’interférence quantique due à la superposions des états électroniques, causé par le couplage entre les électrons et les noyaux.
« Je me suis d’abord formée en biologie et en géologie, explique Morgane Vacher. Mon envie d’aller vers une compréhension toujours plus fondamentale de la matière m’a ensuite orientée vers la physique et la chimie. » Il n’est pas encore possible de connaître les applications précises qui découleront de cette nouvelle chimie, mais elle pourrait aboutir à des réactions plus sélectives, c’est-à-dire avec un meilleur contrôle sur les produits finaux. L’approfondissement de ses principes les plus fondamentaux est en tout cas une étape nécessaire.