CEISAM collabore avec le CERN : l’astate se révèle dans Nature Communications

En collaboration avec des chercheurs de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN – Suisse), E. Renault et N. Galland du laboratoire ont contribué à déterminer l’affinité électronique de l’astate, élément chimique invisible ! Leur travail a été publié dans la revue Nature Communications (30 juillet 2020).

Le projet de recherche, initié en 2013 entre chercheurs nantais et suisses, vient d’aboutir exactement 80 ans après la découverte de l’astate, l’un des éléments les plus rares à l’état naturel. L’affinité électronique correspond à la quantité d’énergie dégagée à la suite de la capture d’un électron par l’atome. Ce processus peut notamment être mis en jeu lors de la formation de liaisons chimiques entre atomes, un atome pouvant s’attacher en partie ou totalement certains électrons de ses partenaires. C’est donc une propriété fondamentale d’un élément chimique, reliée à l’électronégativité, et qui conditionne en particulier la réactivité de l’atome (c.à.d. la nature des liaisons qu’il forme).

Le tour de force a été de coupler des mesures par spectroscopie laser de photodétachement, à un faisceau d’anions radioactifs d’astate, produits en direct par synthèse nucléaire au sein de l’accélérateur de particules du CERN (Figure 1). La mesure expérimentale a été validée par des calculs théoriques relativistes de mécanique quantique, réalisés avec les méthodes les plus avancées. Le résultat final : la cinquième plus grande affinité électronique qui ai actuellement été mesurée, à comparer aux 118 éléments actuellement connus (voir encadré).

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Figure 1 : Ajustements sur le montage laser du CERN (S. Rothe – CERN)

La connaissance exacte de l’affinité électronique de l’astate doit permettre de mieux anticiper la stabilité des composés de l’astate, en particulier ceux actuellement étudiés par le CEISAM et d’autres équipes de recherche à Nantes pour des applications dans le traitement des cancers. Elle permet notamment d’anticiper des polarisations inversées entre liaisons astate-carbone et liaisons astate-bore. Étant donné l’importance de ces deux types de liaison dans les protocoles actuels de marquage de biomolécules par l’astate, il convient de prendre en compte les disparités révélées pour limiter la libération indésirable d’astate en milieu physiologique.

Les études de modélisation moléculaire, réalisées en partie au laboratoire (Figure 2), ont été soutenues dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (Labex IRON  et Equipex ArronaxPlus).

Cluster HPC Equipex ArronaxPlus

Pour en savoir plus :

The electron affinity of astatine, D. Leimbach, J. Karls, Y. Guo, R. Ahmed, J. Ballof, L. Bengtsson, F.B. Pamies, A. Borschevsky, K. Chrysalidis, E. Eliav, D. Fedorov, V. Fedosseev, O. Forstner, N. Galland, R.F. Garcia Ruiz, C. Granados, R. Heinke, K. Johnston, A. Koszorus, U. Köster, M.K. Kristiansson, Y. Liu, B. Marsh, P. Molkanov, L.F. Pasteka, J.P. Ramos, E. Renault, M. Reponen, A. Ringvall-Moberg, R.E. Rossel, D. Studer, A. Vernon, J. Warbinek, J. Welander, K. Wendt, S. Wilkins, D. Hanstorp, S. Rothe, Nat. Commun., 11, 3824 (2020)

La publication est en accès libre : https://doi.org/10.1038/s41467-020-17599-2

De tous les éléments chimiques du tableau périodique, les halogènes (dont l’astate fait partie) présentent les plus grandes affinités électroniques. Cependant, l’évolution de cette propriété est peu prévisible. L’affinité électronique la plus grande a été mesurée de 3,61 eV pour le chlore en 1963, suivent celles du fluor, 3,40 eV (1989), du brome, 3,36 eV (1963), et de l’iode, 3,06 eV (1963).

L’affinité électronique de l’astate est significativement plus faible, 2,42 eV, mais se classe donc cinquième et devant 60 autres valeurs mesurées pour les éléments restants ! Sur la base des estimations actuelles, il est improbable que dans le futur on puisse mesurer, pour un des éléments dont l’affinité électronique n’est pas encore connue, une valeur plus grande que pour l’astate.

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